LE GARUM, condiment antique par excellence...
Comme je risque de le citer souvent, autant vous expliquer comment ça se fabrique vraiment... Très prisé par le Romains, mais certainement "inventé" par les Grecs, le garum est un des éléments de la cuisine antique par excellence. Une des recettes les plus complètes de garum liquamen est donnée par l’agronome Gargilius Martialis, dans les Géoponiques, une compilation d’origine byzantine du Xe siècle:
“On prend des poissons gras, saumons, anguilles, aloses, sardines... et, avec ces poissons, des herbes aromatiques sèches et du sel, on fait la préparation suivante: on choisit un vase solide et bien poissé d’une contenance de trois ou quatre boisseaux (26 à 35 litres) et on prend des herbes sèches, aneth, coriandre, fenouil, céleri, sarriette en tête, sclarée (Salvia sclarea L.= orvale, une espèce de sauge), rue (ruta graveolens L. parfumant la bonne grappa italienne), menthe, menthe sauvage, livèche (que les Suisses appellent herbe à maggi et qui a donné son nom aux célèbres potages déshydratés), pouliot (Mentha pulegium L., variété de menthe), serpolet, origan, bétoine (Stachys officinalis L. , plante médicinale, dont les feuilles ont la réputation d’être sternutatoires), argémone (Agrimonia eupatoria L. de la famille du pavot, censée guérir l’argémon, une maladie oculaire), dont on dispose une couche au fond d’un vase. Puis on fait une autre couche de poissons, entiers s’ils sont petits, coupés en morceaux s’ils sont gros. Par-dessus, on ajoute une troisième couche épaisse de deux doigts, faite de sel.
On remplira ainsi le vase jusqu’au sommet en alternant ces trois couches d’herbes, de poisson et de sel, on fermera avec un couvercle et on laissera ainsi sept jours.
Ensuite, pendant vingt jours successifs, on remuera ce mélange jusqu’au fond. Au bout de ce temps, on recueille la liqueur qui s’en écoule”... dans une amphore, spécifiant souvent la qualité du produit (la qualité supérieure : flos flos, « fleur de fleur ») et l'espèce de poisson ayant servi à la fabrication... maquereau le plus souvent, mais aussi thon ou murène. Une grosse production existait en Bétique (Andalousie actuelle).
Le garum n’est pas toujours utilisé “nature”. Mélangé à de l’eau, il s’appelle hydrogarum, à du vinaigre oxygarum, à du vin oenograum, dont la “fleur” fluide et exempte de tout condiment, gari flos per se, possède une robe dorée et une saveur si agréable qu’elle peut se boire comme du vin, dixit Pline.